Il y a tout juste deux ans, je vous parlais sur ce blog de la création de deux nouveaux types d’accords collectifs par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 :
- L’accord de mobilité interne réservé aux entreprises n’ayant pas de projet de réduction d’effectifs, qui permet d’organiser les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne.
- L’accord de maintien dans l’emploi qui permet aux entreprises de pallier les graves difficultés économiques conjoncturelles en négociant des mesures d’aménagement de la durée du travail et de réduction de la rémunération.
Très peu d’accords de maintien dans l’emploi ont été signés les deux premières année. Pour encourager les DRH et les syndicats à y recourir, la loi LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, en a modifié les règles (art. L5125-1 et s. c. trav.).
Pour ma part, je pense que l’accord de maintien dans l’emploi doit être considéré par les DRH comme un outil offrant une véritable alternative au licenciement pour motif économique.
Sans chercher à être exhaustif, voyons dans quels cas les DRH peuvent envisager de négocier un accord de maintien dans l’emploi (1), l’intérêt de le signer (2) et quelles sont ses principales règles de mise en place et de fonctionnement (3).
1/ L’accord de maintien dans l’emploi pour faire face à de graves difficultés conjoncturelles
Le premier alinéa de l’article L. 5125-1 du code du travail dispose que :
« En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération (…) »
La première condition est donc l’existence de graves difficultés économiques conjoncturelles. Cette notion n’est pas définie. Deux éléments d’appréciation semblent toutefois ressortir :
- Il ne s’agit pas d’un moment un peu difficile comme toutes les entreprises en connaissent. Le « creux de la vague » n’est pas nécessairement une difficulté « grave ». L’adjectif grave suppose à mon sens que l’entreprise ne peut ou ne pourra bientôt plus faire face à ses charges et une qu’une réaction est indispensable à sa survie.
- Toutefois, le terme « conjoncturelles » implique à mon avis que la situation économique ne doit pas être irrémédiablement compromise et que les difficultés ne sont pas inhérentes à l’entreprise. Ce terme renvoie donc à la fois une dimension temporelle et à une cause externe. L’INSEE définit ainsi la notion d’indicateur conjoncturel comme étant une « statistique permettant de suivre une évolution économique selon une périodicité courte » et le terme « conjoncturel » s’oppose à celui de « structurel ».
Pour résumer, l’accord de maintien dans l’emploi peut à mon sens être envisagé si l’entreprise traverse une situation particulièrement difficile du fait de circonstances pour l’essentiel externes et qu’elle pense pouvoir y survivre à condition de réduire temporairement ses frais de fonctionnement.
Par conséquent, les différences notables avec les deux principaux motifs de licenciement économique sont les suivantes :
- La notion de « difficultés économiques » n’implique pas l’étude les causes de la situation économique.
- La notion de « sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise » correspond d’avantage à des difficultés structurelles d’adaptation à une situation économique en évolution.
2/ L’accord de maintien dans l’emploi vise à réduire les coûts de production
L’intérêt de signer un accord de maintien dans l’emploi est de pouvoir, avec l’accord des syndicats, « imposer » aux salariés une modification de la durée du travail ou de leur rémunération.
Concrètement, il s’agit de réduire les coûts de production en intervenant sur le taux horaire.Les salariés travaillent plus pour le même prix ou travaillent autant pour moins cher par exemple.
En pratique, chaque salarié se voit proposer une modification de son contrat de travail et dispose d’un mois pour refuser :
- En cas de refus, le licenciement du salarié pour motif économique est réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse. Le salarié bénéficiera tout de même du congé de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle.
- En cas d’acceptation, les clauses du contrat de travail concernées sont suspendues pendant la durée de l’accord.
3/ Les principales règles de mise en place et de fonctionnement de l’accord de maintien dans l’emploi
En premier lieu, l’accord de maintien dans l’emploi est un accord d’entreprise. Contrairement aux accords d’entreprise habituels il doit être conclu avec les syndicats représentant au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du CE ou des DP (30 % pour les accords de droit commun).
En l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, l’accord de maintien dans l’emploi peut être conclu avec des élus ou des salariés expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel. Dans ce cas, l’accord est ensuite soumis à référendum.
En contrepartie des efforts réalisés par les salariés, l’employeur prend l’engagement de ne pas licencier pour motif économique pendant toute la durée de l’accord, soit au maximum 5 ans (2 ans avant la loi Macron). Les dirigeants et mandataires sociaux doivent également fournir des efforts dans les mêmes proportions que ceux des salariés.
L’accord prévoit par ailleurs les modalités du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise, les modalités de sa mise en œuvre, les conséquences d’une amélioration de la situation économique sur la situation des salariés et éventuellement les conditions de sa suspension.
Enfin, et bien entendu, l’accord de maintien dans l’emploi ne peut pas déroger aux règles d’ordre public telles que les temps de repos, les durées maximales de travail, le SMIC, etc.