Comme vous le savez surement, certaines règles concernant le délai de carence avant l’indemnisation du chômage par France Travail (anciennement Pôle emploi) ont changé avec la parution du Décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage. 

Pour autant, vous ne parvenez pas à vous y retrouver… alors allons-y pas à pas.

1/ Le contexte : de quoi parle-t-on ?

Entre la perte d’emploi et le début de l’indemnisation par France Travail, un certain temps s’écoule. On parle communément de délai de carence.

En réalité trois types de délais doivent être distingués :

Le différé spécifique d’indemnisation :

  • S’applique lorsque des indemnités supérieures aux minimas légaux sont versées en fin de contrat.
  • Attention : cela signifie qu’il s’applique également aux indemnités conventionnelles versées car étant plus favorables que la loi (ce qui est souvent le cas) !
  • Court à compter de la fin du contrat de travail (terme du préavis).

Le différé d’indemnisation congés payés :

  • Est calculé en fonction des indemnités compensatrices de congés payés versées en fin de contrat.
  • Court à compter du lendemain de la fin du différé spécifique d’indemnisation : les deux différés se cumulent donc.

Le délai d’attente de 7 jours :

  • S’ajoute aux deux différés déjà cumulés.
  • S’applique seulement lorsqu’une admission ou une réadmission est prononcée, sauf en cas de réadmission intervenant dans les 12 mois d’une admission précédente.

Ce sont donc ces délais qui forment ce que l’on nomme bien souvent le délai de carence France Travail.

2/ Le calcul du délai de carence France Travail

2.1 Le différé d’indemnisation congés payés : le différé d’indemnisation congés payés est déterminé différemment selon le contexte

A/ En cas d’ouverture de droits ou de rechargement

En cas d’ouverture de droits ou de rechargement, le différé est d’une durée égale au résultat de l’opération suivante :

Montants des indemnités compensatrices de congés payés versés à l’occasion de toutes les fins de contrats de travail situées dans les 182 jours précédant la fin du dernier contrat DIVISE PAR le salaire journalier de référence (SJR).

Exemple :

  • Pour un salaire annuel de 45000 € brut, le salaire journalier de référence est égal à 123,29 €.
  • Le salarié a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 1 400 € à la fin du dernier contrat. Quelques mois plus tôt il avait perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 800 € au titre d’un précédent contrat.
  • Le différé d’indemnisation congés payés sera égal à 17 jours [(1 400 + 800) / 123,29 = 17, 84 arrondis à 17).

B/ En cas de reprise de droits

En cas de reprise des droits, la durée du différé est égale au nombre de jours correspondant aux indemnités compensatrices de congés payés versées à l’occasion des fins de contrat de travail situées dans les 182 jours précédant la dernière fin de contrat de travail indiqués sur l’attestation de l’employeur.

Lorsque l’information du nombre de jours fait défait, le différé est déterminé selon les modalités prévues pour les cas d’ouverture de droits (voir point A ci-dessus). Notons que le nombre de jours ainsi déterminé est arrondi au nombre entier inférieur.

Bonne nouvelle toutefois, dans les deux cas, le différé congés payés est limité à 30 jours.

2.2 Le différé spécifique d’indemnisation :

A/ Calcul du différé spécifique d’indemnisation

Le différé spécifique d’indemnisation est d’une durée égale au résultat de l’opération suivante :

Sommes inhérentes à la rupture du contrat de travail dont le montant ou les modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative, ou qui n’ont pas été allouées par le juge DIVISÉES PAR 107.9 (montant 2024 conformément à la circulaire n°2024-01 de l’Unédic).

Exemple :

  • En raison de l’ancienneté du salarié, le montant de l’indemnité légale de licenciement s’élève en principe à la somme de 1 100 €.
  • Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, une indemnité de rupture conventionnelle de 2600 € est versée (1500 € en plus du montant minimal de 1 100 €).
  • Le différé d’indemnisation spécifique est égal à 14 jours (1500 / 107,9 = 13,90 arrondis à 14).

B/ Le plafond : durée maximale du différé spécifique d’indemnisation

Le différé spécifique d’indemnisation est plafonné à 150 jours calendaires, et 75 jours en cas de licenciement économique.

Autrement dit, les salariés dont le contrat n’est pas rompu pour un motif économique (par exemple une rupture conventionnelle ou une faute) pourront demeurer 5 mois au chômage sans toucher la moindre indemnisation (+ le délai d’attente + le différé congés payés !!).

Les salariés dont le contrat a été rompu pour motif économique demeurent soumis au différé spécifique d’indemnisation de 75 jours.

Le montant limite des indemnités de rupture « supra légales » ayant pour effet de porter le différé spécifique à son maximum est donc 16 185 € pour 2024 (en effet, 16 185 € / 107,9 = 150). Si un montant supérieur à 16 185 € est versé, le différé spécifique demeurera plafonné à 150 jours. Si le montant est inférieur à 16 185 € le différé diminuera proportionnellement.

Exemple :

  • Dans le cadre d’un licenciement pour motif personnel, un salarié perçoit  une somme totale de 50 000 €. Les indemnités légales et obligatoires représentent 30 000 € de cette somme totale.
  • Différé spécifique = (50 000 € – 30 000 €)  / 107,9 = 185,36, arrondi à 185 jours ramenés au plafond de 150 (auxquels s’ajoutent éventuellement le différé congés payés et le délai d’attente).
  • Il subira donc un délai de carence d’au moins 5 mois après la rupture de son contrat de travail du fait du différé spécifique d’indemnisation plafonné.

Exemple :

  • Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, un salarié perçoit  une somme totale de 20 000 €. Les indemnités légales et obligatoires représentent 10 000 € de cette somme totale.
  • Différé spécifique = (20 000 € – 10 000 €)  / 107,9 = 92,68, arrondi à 93 jours ramenés au plafond de 75.
  • Il subira donc un délai de carence d’au moins 2,5 mois après la rupture de son contrat de travail du fait du différé spécifique d’indemnisation plafonné.

C/ Le point de départ du différé spécifique d’indemnisation

Le différé spécifique d’indemnisation court à compter du lendemain de chacune des fins de contrat de travail situées dans les 182 jours calendaires précédant la dernière fin de contrat de travail précédant la prise en charge. Le différé applicable est celui qui expire le plus tardivement.

2.3 Synthèse globale : calcul du délai de carence France Travail en cumulant le délai d’attente et des différés d’indemnisation 

En reprenant les exemples ci-dessus :

  • Si le salarié a perçu 1 400 euros d’indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité supra-légale de 1 500 €, il ne commencera à recevoir les indemnités chômage qu’au bout d’un délai de carence de 32 jours après le terme de son contrat de travail : différé congés payés de 11 jours + différé spécifique de 14 jours + délai d’attente de 7 jours).
  • Si le salarié a perçu 1 400 euros d’indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité supra-légale de 20 000 €, il ne commencera à recevoir les indemnités chômage qu’au bout d’un délai de carence de 168 jours après le terme de son contrat de travail : différé congés payés de 11 jours + différé spécifique de 150 jours + délai d’attente de 7 jours). 

Pour conclure :

  • Attention à bien prendre en compte ces conséquences pratiques pour vos salariés au moment d’aborder la négociation d’une rupture conventionnelle ou d’une transaction.
  • Pensez à proposer des simulations aux salariés de manière à les aider dans leur prise de décision.
  • Évidemment, ce travail ne vous dispense pas d’estimer le coût pour votre entreprise et le gain net pour le salarié une fois déterminés les régimes sociaux et fiscaux applicables aux indemnités de rupture (cotisations, CSG, CRDS, impôt sur le revenu, forfait social…) !

Notre cabinet réalise pour les entreprises les simulations et les différents calculs permettant de les aider à la négociation des ruptures de contrat de travail et les assiste dans toutes les phases de la négociation ainsi que pour la formalisation des différents documents (transaction, rupture conventionnelle, etc.).

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