Dans un arrêt du 12 juin 2019 (n°17-31295), la Cour de cassation illustre une nouvelle fois la distinction entre le régime des discriminations et celui de l’égalité de traitement.
En l’espèce, un salarié soutenait avoir été victime de discrimination au motif qu’il avait « été privé de ses missions et responsabilités de formation et n’avait bénéficié d’entretiens annuels à raison de l’exercice de son mandat prud’homal ». La Cour d’appel de Paris l’a débouté de ses demandes aux motifs qu’il n’avait apporté aucun élément justifiant de la présence en clientèle d’autres consultant alors que lui était cantonné au bureau. La Cour d’appel subordonnait ainsi l’existence d’une discrimination à la nécessité de comparer la situation du requérant avec celle des autres salariés de l’entreprise.
La Cour de cassation a logiquement censuré cette décision en rappelant qu’une « mesure peut être qualifiée de discriminatoire indépendamment de toute comparaison avec la situation d’autres salariés ». Cet arrêt nous offre l’occasion de rappeler la différence en droit du travail entre la discrimination et l’égalité de traitement.
1/L’égalité de traitement
Le principe général de l’égalité de traitement a été dégagé par la Cour de cassation à l’occasion de l’affaire « Ponsolle » du 29 octobre 1996. Ce principe suppose le respect d’une égalité de traitement des salariés d’une même entreprise placés dans une situation identique ou comparable. Ainsi, apprécier le respect du principe de l’égalité de traitement implique une comparaison.
Il en résulte que l’inégalité de traitement est autorisée si :
- Elle repose sur des critères objectifs et pertinents. Par exemple, le parcours professionnel spécifique de certains salariés justifie que ces derniers puissent bénéficier d’une promotion, contrairement aux autres salariés de l’entreprise (Cassation, chambre sociale, 3 mai 2006) ;
- La loi l’autorise (article L.1133-1 à L.1133-6 du code du travail) ;
- L’intérêt général le justifie.
Dans son arrêt du 13 juin 2019, la Cour de cassation a précisément reproché à la Cour d’Appel de s’être placée sur le terrain du principe de l’égalité de traitement par la recherche d’une comparaison entre la situation du demandeur et celle des autres salariés de l’entreprise. En effet, le demandeur ne se fondait pas sur le principe de l’égalité de traitement mais invoquait une discrimination, laquelle n’implique aucune comparaison.
Plus récemment, la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 mai 2021 a précisé que le régime salarial des équipes de suppléance crée une situation différente qui écarte toute comparaison avec les autres salariés de l’entreprise. En effet, le législateur prévoit spécifiquement une majoration salariale de 50% minimum pour les équipes de suppléance travaillant uniquement les week end rejetant ainsi l’application du principe d’égalité de traitement.
2/La discrimination
La discrimination est une décision fondée sur un motif illicite. Elle ne s’inscrit pas dans une logique de comparaison.
Une discrimination est caractérisée lorsqu’une décision est fondée sur l’un des motifs discriminatoires listés à l’article L. 1132-1 du code du travail.
En l’espèce, le salarié soutenait avoir été victime d’une discrimination liée à son mandat prud’homal. En effet, occuper la fonction de conseiller prud’homal nécessite une appartenance syndicale, laquelle constitue un motif discriminatoire au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail. Par conséquent, le salarié qui fondait sa demande sur ce motif discriminatoire, n’avait nul besoin de comparer sa situation avec celle des autres salariés de l’entreprise. Il lui appartenait d’apporter des éléments laissant supposer que la décision de son employeur à son égard était motivée par cette appartenance.
Sur ce sujet, vous pouvez également consulter notre article consacré plus spécifiquement à la discrimination liée à l’état de santé.