Dans un arrêt rendu rendu le 11 octobre 2018 (n° 17-23.694), la cour de cassation affirme que la faute inexcusable de l’employeur est présumée dès lors qu’un salarié intérimaire, exposé à des risques particuliers, n’a pas reçu de formation à la sécurité renforcée.
Une salariée intérimaire exécutait une mission de pareuse. En faisant usage de couteaux tranchants, elle a été victime d’un accident du travail et a obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de la société de travail temporaire. L’employeur (l’agence d’intérim) a alors actionné en garantie la société utilisatrice. Cette dernière s’est pourvue en cassation en soutenant que la présomption de faute inexcusable ne pouvait s’imposer dans la mesure où elle avait mis à disposition des gants de protection et avait instauré un système de remplacement des couteaux.
La question posée à la cour de cassation était donc la suivante : des aménagements des conditions de travail peuvent-ils se substituer à la formation à la sécurité renforcée légalement prévue pour les salariés intérimaires exposés à des risques particuliers, et de ce fait renverser la présomption de faute inexcusable ?
Non, selon la cour de cassation qui applique logiquement l’article à la lettre L. 4154-3 du code du travail : « Mais attendu que la présomption de faute inexcusable instituée par l’article L. 4154-3 du code du travail ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité prévue par l’article L. 4154-2 du même code; » (Cass. soc., 11 octobre 2018 n° 17-23.694).
Autrement, peu importe que l’entreprise utilisatrice ait pris certaines mesures en matière de sécurité (système de remplacement des couteaux, gants de protection). Dès lors qu’elle ne justifie pas d’avoir fourni à un intérimaire exposé au risque une formation à la sécurité renforcée, sa faute inexcusable est retenue.
Cette décision fournit l’occasion de formuler quelques rappels.
1. S’agissant des intérimaires, des CDD et des stagiaires exposés à des risques particuliers, une formation à la sécurité renforcée doit être organisée.
Tous salariés affectés à un poste qui figure dans la circulaire DRT n° 90/18 du 30 octobre 1990 doit bénéficier d’une formation à la sécurité. Si il s’agit d’intérimaires, de CDD, ou de stagiaires, ils doivent bénéficier d’une formation à la sécurité renforcée (art. L. 4154-2. c. trav). Cette dernière consiste en « une formation réelle à la sécurité » dont le programme et les modalités sont soumis au CSE et au médecin du travail. Cette formation doit notamment contenir des informations complètes sur les risques du poste de travail mais aussi éventuellement de l’environnement de travail pour la santé et la sécurité du travailleur.
A défaut comme vient de le rappeler la cour de cassation, la faute inexcusable de l’employeur sera présumée. Il s’agit toutefois d’une présomption simple de faute inexcusable qui peut être renversée par la preuve d’une formation à la sécurité renforcée.
2. Employeurs, vous êtes tenus par une obligation de prévention des risques professionnels envers vos salariés.
Cette obligation est appréciée en vérifiant si vous avez pris toutes les mesures figurant à l’article L. 4121-1 du Code du travail : « Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
L’article L. 4121-2 précise que « l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
On constate donc l’impératif d’adaptation des mesures de prévention à la réalité des contraintes de chaque entreprise.
3. Le document unique d’évaluation des risques doit être tenu à jour.
Le DUER, qui recense l’ensemble des risques pour la santé et la sécurité du personnel dans l’entreprise, doit être tenu à jour annuellement. Le DUER comprend également les mesures de prévention associées aux risques. Attention, si des risques figurent dans le DUER et qu’aucune action est mise en place pour prévenir ou lutter contre ces risques, la faute inexcusable de l’employeur sera nécessairement reconnue en cas d’accident du travail.
La faute inexcusable de l’employeur est en effet présumée dès lors que : « L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ” (cass. soc., 28 février 2002 n° 00-10.051). Par ailleurs, la faute commise par l’employeur n’a pas à être la cause déterminante, une cause nécessaire est suffisante (cass. soc., 31 octobre 2002 n° 00-18.359).