A partir d’un exemple, je vous propose une explication juridique la plus simple possible de la raison pour laquelle les Ordonnances Travail du Gouvernement Macron facilitent les licenciements économiques en France pour groupes internationaux.
Prenons l’exemple d’un groupe international dont le siège est situé à New York, qui possède une centaine de filiales dans le monde, dont cinq sont établies en France. Le groupe a trois activités : la logistique, la téléphonie et l’automobile. Parmi les 5 filiales en France, 3 filiales ont une activité dans l’automobile, 1 filiale est dédiée à la téléphonie et 1 filiale est dédiée à la logistique. L’une des filiales ayant une activité dans l’automobile envisage de licencier 9 salariés pour motif économique.
Le raisonnement doit suivre 3 étapes. Pour chaque étape, nous verrons les simplifications apportées par les Ordonnances Travail.
1ère étape : Constater qu’il existe un motif économique
Avant d’envisager d’engager une procédure de licenciements économiques, il faut qu’il existe un motif économique. La définition du motif économique se trouve à l’article L. 1233-3 du code du travail.
Pour faire simple, un motif économique pourra être reconnu si une situation économique particulière (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou cessation d’activité de l’entreprise) a un impact sur les emplois de l’entreprise (suppression d’emploi, transformation d’emploi ou modification du contrat de travail refusée par le salarié).
A ce stade, l’une des grandes difficultés reposait sur le fait que le motif économique était apprécié non pas au niveau de l’entreprise mais au niveau du « secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise ».
Autrement dit, avant les Ordonnances Travail, pour apprécier l’existence du motif économique, il s’agissait de vérifier que la situation économique était « mauvaise » pour l’activité concernée au niveau mondial.
Dans notre exemple, pour contrôler l’existence d’un motif économique en France dans la filiale ayant activité dans l’automobile, il s’agissait de vérifier que d’une manière générale, toutes les filiales du monde entier ayant une activité dans l’automobile se trouvaient dans une mauvaise situation économique. Si la filiale française rencontrait des difficultés économiques importantes mais que les autres filiales se portaient très bien, il n’existait aucun motif économique permettant de justifier un licenciement pour motif économique en France.
Les Ordonnances Travail changent cette règle. Désormais, l’appréciation de la situation économique pouvant conduire à des licenciements économiques en France ne se fait qu’au niveau de l’activité concernée parmi les différentes entreprises ayant la même activité au sein du groupe et uniquement sur le territoire national.
Autrement dit, si l’on reprend notre exemple, la situation économique sera appréciée au niveau de l’activité automobile du groupe sur le territoire français (donc sur les 3 filiales). La situation de l’activité automobile des filiales étrangères n’est plus prise en compte. Ainsi, si l’activité automobile rencontre des difficultés dans les trois filiales françaises, un motif économique de licenciement peut être reconnu, quand bien même l’activité automobile serait très largement bénéficiaire en Allemagne en Suède en Espagne au Brésil au Japon etc.
2ème étape : Identifier les postes de reclassement possibles afin d’éviter les licenciements économiques
Une fois le motif économique caractérisé, les licenciements économiques ne peut être que décidés qu’à la condition que le reclassement des salariés concernés n’a pas pu être effectué.
Les Ordonnances Travail facilitent largement la procédure.
Jusqu’à présent, avant de pouvoir licencier, l’employeur était tenu de rechercher un poste de reclassement au niveau mondial dans toutes les entreprises « dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assuraient la permutation de tout ou partie du personnel ».
Autrement dit, l’employeur devait rechercher tous les postes disponibles au sein du groupe (au sens strict du terme) mais aussi au sein des entreprises avec lesquelles il entretenait des liens étroits. Il pouvait par exemple y avoir une recherche de reclassement entre des magasins appartenant à une même enseigne, alors même qu’ils n’avaient aucun lien entre eux.
Dans notre exemple, l’employeur français de la filiale automobile qui envisageait de licencier pour motif économique devait rechercher dans le monde entier tous les postes disponibles dans les filiales du groupe et dans les entreprises avec lesquelles il entretenait des liens étroits (notion particulièrement floue…) afin de pouvoir les proposer aux salariés menacés de licenciement.
Les Ordonnances Travail simplifient les recherches de l’employeur de deux manières (art. L. 1233-4 al. 2) :
- Elles limitent les recherches de reclassement au niveau du groupe au sens strict, c’est à dire dans les entreprises ayant de manière directe ou indirecte un lien capitalistique entre elles.
- Elles suppriment l’obligation de rechercher un reclassement à l’étranger.
Autrement dit, dans notre exemple, l’employeur n’a pas à rechercher si la filiale brésilienne ou espagnole a des postes disponibles. L’employeur se limite ainsi à interroger les filiales en France pour savoir si elles ont des postes disponibles.
3ème étape : Proposer aux salariés les postes de reclassement identifiés
Jusqu’à présent, l’employeur devait proposer à chaque salarié l’intégralité des postes disponibles.
Cette ancienne obligation avait pour conséquence de démultiplier le nombre de courriers envoyés à chacun des salariés pour leur proposer des postes de reclassement.
Ainsi, dans notre exemple, si 9 salariés étaient menacés de licenciement dans l’entreprise, que 5 postes étaient disponibles en France et 35 postes étaient disponibles dans le reste du monde, l’employeur devait écrire personnellement à chaque salarié pour lui proposer les 40 postes.
Désormais, les propositions de postes peuvent être formalisées au moyen d’une liste de postes disponibles diffusée aux salariés (art. L1233-4 al. 4).
Dans notre exemple, l’employeur peut se contenter de diffuser auprès des salariés la liste des 5 postes disponibles en France.