L’ancien salarié prétendait ne pas avoir reçu d’exemplaire de la convention de rupture conventionnelle le jour de sa signature
Il reprochait notamment à son ancien employeur de ne pas lui avoir remis un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle le jour de la signature ce qui constitue un motif de nullité de la rupture conventionnelle.
Dans une affaire jugée par le Conseil d’Etat en date du 21 juin 2021 (n° 438532) un manager sportif avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle prévoyant le versement d’une indemnité d’un montant brut de 700K€. Cette rupture conventionnelle avait été homologuée par l’administration. Un mois après la rupture conventionnelle, ils ont conclu une transaction prévoyant le versement d’une indemnité complémentaire d’un montant brut de 400K€.
À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a réintégré l’indemnité complémentaire de 400K€ dans les revenus imposables du manager.
Ce dernier contestait les rehaussements en arguant que les sommes perçues en exécution de la transaction devaient être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, bénéficiant ainsi d’une exonération totale d’impôt sur le revenu (art. 80 duodecies CGI).
Opposition entre Conseil d’Etat et Cour de cassation
Le Conseil d’État rappelle que les sommes perçues par un salarié en exécution d’une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d’être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (et donc être exonérés d’impôt sur le revenu) que s’il résulte de l’instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement.
Dans le cas présent, la transaction avait été conclue postérieurement à une rupture conventionnelle.
Or, en principe, une convention de rupture conventionnelle conclue et homologuée empêche à la rupture conventionnelle d’être qualifiée licenciement ou de démission. Elle fait ainsi obstacle à ce que l’indemnité allouée au salarié par une transaction intervenant ultérieurement puisse être regardée comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exonérée d’impôt sur le revenu à ce titre.
Il en va différemment si le salarié prouve que l’employeur ne lui avait pas remis un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle le jour de la signature.
En effet, le Conseil d’Etat rappelle, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que la remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture conventionnelle est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause. Il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, le Conseil d’Etat rejette l’argument du salarié en motivant sa décision par le fait qu’il avait produit devant la juridiction la convention de rupture avec la mention » lu et approuvé » accompagnée de sa signature.
Cette décision du Conseil d’Etat est en contradiction avec les dernières jurisprudences de la Cour de cassation selon lesquelles :
- Le fait que la convention de rupture conventionnelle spécifie bien qu’elle a été établie en deux exemplaires ne permet pas de présumer que l’un des deux a été remis au salarié (Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 18-14.414) ;
- En cas de litige, l’employeur doit donc être en mesure de prouver qu’un exemplaire de la convention de rupture a bien été transmis au salarié (Cass. soc., 23 sept. 2020, n° 18-25.770 ; Cass. soc., 10 mars 2021, n° 20-12.801) ;
- La mention manuscrite « lu et approuvé » précédant la signature du salarié et apposée sur l’exemplaire de l’employeur est insusceptible d’attester de l’existence de la remise d’un exemplaire au salarié. (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.494).
En pratique, il est donc primordial de formaliser la remise en main propre, le jour de sa signature, d’un exemplaire de la convention de rupture à votre salarié en lui faisant par exemple signer un récépissé.