Dans un arrêt rendu le 20 février 2019 (n°17-18.912), la Chambre sociale de la Cour de cassation est revenue sur la possibilité pour l’employeur de licencier un salarié en arrêt de travail des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Dans cette affaire, un basketteur professionnel engagé par contrat à durée déterminée avait été licencié pour faute grave tandis qu’il se trouvait en arrêt de travail consécutif à un accident du travail. Le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir des indemnités.
La possibilité de rompre un CDD au cours d’une période de suspension du contrat de travail
Pour rappel, l’article L.1226-18 du Code du travail dispose que « lorsque le salarié victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle est titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée, l’employeur ne peut rompre le contrat au cours des périodes de suspension du contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit d’un cas de force majeure ».
La faute grave désigne celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc. 27 septembre 2007, 06-43.867).
Un fait de la vie personnelle justifiant un licenciement disciplinaire
En l’espèce, la société reprochait au salarié de ne pas s’être prêté aux soins « nécessaires à la restauration de son potentiel physique ». Ce dernier ne s’était pas rendu, pendant son arrêt de travail, aux séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et n’était aucunement resté à la disposition du kinésithérapeute pour suivre le protocole de soins. Compte tenu de ces décisions du salarié concernant sa propre santé, il était permis de douter de la capacité pour l’employeur d’en tenir compte, en raison de leur nature personnelle, à l’appui d’une décision disciplinaire.
En effet, il est de jurisprudence constante qu’un « fait imputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne pouvait constituer une faute » (Cass. soc. 16 décembre 1997, n°95-41.326).
Cependant, si un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, il en va autrement si le motif en question constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc. 3 mai 2011, n°09-67.464).
L’arrêt rendu le 20 février 2019 s’inscrit ainsi dans la lignée de la jurisprudence.
Le manquement à l’obligation de loyauté constitutif d’une faute grave
Selon la Cour de cassation, seuls des manquements à l’obligation de loyauté peuvent constituer une faute grave d’un salarié en arrêt de travail suite à un accident du travail ou une maladie : « pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté ».
En pratique, il s’agira de rechercher en quoi le comportement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail et donc en dehors de l’entreprise, constitue une violation directe et grave de ce contrat de travail.
Autrement dit, alors même que le contrat de travail n’est pas en cours d’exécution du fait de la maladie du salarié, ce dernier demeure tenu à l’obligation de loyauté inhérente au contrat, laquelle n’est en aucun cas suspendue pendant l’arrêt de travail.
La prise en compte des spécificités du métier de sportif professionnel
Dans le cas de l’espèce, la Cour de cassation a pris en compte les spécificités inhérentes au métier de sportif professionnel.
Le contrat de travail du salarié stipulait notamment que « le joueur devra soigner sa condition physique pour obtenir le meilleur rendement possible dans son activité. Il devra respecter strictement les instructions de tout membre de l’encadrement technique et du président du Club ». Par ailleurs, la Convention collective nationale du sport prévoit à son article 12.3 que « le sportif professionnel mettra à disposition de son employeur, contre rémunération, ses compétences, son potentiel physique et ses acquis techniques et tactiques, le temps de préparer et de réaliser une performance sportive dans le cadre d’une compétition ou d’un spectacle sportif de façon régulière ou occasionnelle, ainsi que, accessoirement, les activités de représentation qui en découlent ».
L’employeur avait adressé un courrier recommandé au salarié lui demandant de reprendre les séances de kinésithérapie faisant partie intégrante des obligations de joueur professionnel du salarié. Ainsi, il découlait tant du contrat de travail du salarié que de la Convention collective applicable au contrat que le salarié était débiteur de l’obligation de se prêter aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique.