idées reçues en droit du travailAttention aux idées reçues en droit du travail ! Elles pourraient être sources de mauvaises surprises. Nous avons compilé pour vous les dix idées reçues en droit du travail qui reviennent le plus souvent.

L’objectif de cet article est seulement d’attirer votre attention sur le fait que le droit du travail reste une matière extrêmement technique à manier avec précaution… et de faire un petit clin d’œil à tous les amateurs des « consultations juridiques café du commerce » .

 

1/ Les cadres peuvent travailler jours et nuits : Faux !

Parmi les idées reçues en droit du travail, celle selon laquelle les cadres n’ont pas d’horaires et ne tiennent pas compte de leur temps de travail est tout aussi courante que dangereuse. Le temps de travail des cadres (à l’exception des cadres dirigeants) doit être décompté, ou au a minima surveillé. Le temps de travail est déterminé en jours ou en heures.

  • En heures, il s’agit de fixer un nombre d’heures de travail effectuées de manière fixe chaque semaine ou réparties sur plusieurs semaines voire sur l’année (accord d’annualisation ou de modulation). Les heures qui dépassent ce forfait sont en principe des heures supplémentaires, et donc majorées.
  • En jours, on parle de « forfaits jours ». Un nombre de jours de travail est convenu à l’avance (par exemple 218 jours sur l’année). Ensuite, au lieu de comptabiliser chaque heure de travail, on comptabilise par journées ou demies journées de travail effectuées. En revanche, le décompte en jours ne doit pas priver les cadres des temps de repos minimum obligatoires (notamment les 11 heures entre deux jours de travail). De plus l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Enfin, une convention de forfait est mise en place par un accord collectif préalable prévoyant certaines dispositions spécifiques (attention au risque d’annulation des forfaits en jours).

2/ Le dimanche est payé double : Vrai et Faux !

En principe, le dimanche n’est pas mieux payé qu’un autre jour de travail. Vous pouvez être contraints de payer double vos salariés qui travaillent le dimanche, uniquement si une règle vous l’impose, comme un accord d’entreprise ou une convention collective par exemple.

Nous vous invitons également à lire notre article concernant les particularités du travail le dimanche en Alsace Moselle, selon le droit local.

3/ Le licenciement pour faute grave prive le salarié des indemnités Pôle Emploi : Faux !

Licencier un salarié pour faute grave ou même pour faute lourde ne le privera pas de son droit aux indemnités chômage. En droit du travail, la faute grave est définie comme la faute d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. J’en conviens… c’est une définition pour le moins générale. Et en effet, la gravité de la faute est appréciée au cas par cas. L’intérêt pour l’entreprise est de choisir un licenciement pour faute grave est de ne payer ni indemnité de licenciement ni indemnité de préavis. Il s’agit donc d’un licenciement peu coûteux pour l’employeur.

En tout état de cause, il convient de retenir qu’un licenciement prive involontairement le salarié de son emploi, il a donc droit aux indemnités pôle emploi quelque soit le motif invoqué.

4/ Il faut obligatoirement sanctionner au moins une fois par un avertissement avant de pouvoir licencier : Faux !

La première faute peut justifier un licenciement, sauf si une autre règle en vigueur dans l’entreprise conditionne tout licenciement à une première sanction préalable, par exemple un avertissement (c’est le cas de certaines conventions collectives, il faut être particulièrement vigilant).

Mais attention, en vertu du principe « non bis in idem » on ne peut pas sanctionner deux fois un même salarié pour les mêmes faits, sauf si les fautes ont été réitérées après la première sanction.

5/ Tout ce qui est écrit dans le contrat de travail s’applique : Faux !

Un salarié ne peut pas accepter tout et n’importe quoi. En droit du travail, sauf rares exceptions (accord de performance collective par exemple), les règles légales, réglementaires ou prévues par une convention collective ou un accord d’entreprise s’imposent. Un salarié ne peut pas renoncer à un droit, même s’il le veut et que la clause du contrat de travail précise bien qu’il le fait en toute connaissance de cause.

Par exemple, une clause prévoyant que le salarié accepte d’être payé sous le minima conventionnel n’a aucune valeur et ne pourra en réalité pas être opposée au salarié. La liberté contractuelle est ainsi limitée dans le contrat de travail. En revanche, dans les accords d’entreprise, une grande liberté est laissée aux parties à la négociation pour fixer les règles applicables dans l’entreprise (L. 2254-1 du code du travail). Si vous recherchez la flexibilité, privilégiez la négociation d’accords collectifs.

6/ Un membre du CSE consacre 100 % de son temps de travail à cette fonction : Faux !

Les membres du CSE sont des salariés de l’entreprise qui continuent d’effectuer leur travail pour l’entreprise. En revanche, un certain nombre d’heures qui sont consacrées à la fonction de représentant du personnel sont en effet rémunérées comme si elles avaient été travaillées pour l’entreprise. Ce sont les heures de délégation, dont le nombre varie en fonction de la taille de l’entreprise. Par exemple, un membre titulaire du CSE employé dans une entreprise de moins de 50 salariés dispose de 10 heures de délégation par mois (le code du travail recense les heures de délégation en fonction de l’effectif).

7/ Le CDD est la période d’essai du CDI : Faux !

Bien que la pratique soit courante, le CDD ne doit pas faire office de période d’essai. Le CDD doit répondre à un besoin particulier, par exemple un accroissement temporaire de l’activité. Son objet n’est pas de tester le salarié. Si vous souhaitez vraiment tester le salarié sur un poste, recrutez le en CDI avec une période d’essai. Sous réserve des règles particulières prévues dans des conventions collectives ou des accords d’entreprises, une période d’essai peut être relativement longue, et donc suffisante pour apprécier si le salarié convient au poste sur lequel il a été recruté. La loi prévoit en effet que la période d’essai, renouvellement inclus, peut durer jusqu’à 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 8 mois pour les cadres.

Certes c’est moins long que la durée maximale des CDD mais la période d’essai présente un très grand avantage par rapport au CDD : la facilité d’y mettre un terme. Les cas de rupture d’un CDD sont très limités et l’employeur doit prouver que la rupture est justifiée.

A l’inverse, l’employeur n’a aucune obligation de justifier du motif de rupture de la période d’essai. Il lui suffit d’annoncer qu’il a décidé de rompre la période d’essai, sans davantage de justificatif. C’est au salarié qui conteste le motif de la rupture de prouver que la période d’essai a été rompue par l’employeur pour un motif sans lien avec l’essai.

8/ L’entreprise perd un client, elle peut décider d’un licenciement économique : pas si simple !

La perte d’un client n’est pas un motif de licenciement économique en tant que tel. La perte d’un client pourra tout au plus être un élément déclencheur des difficultés économiques de l’entreprise ou un élément supplémentaire venant s’ajouter à d’autres. Toutefois, le motif économique n’est pas la perte du client en elle-même. Les motifs économiques sont listés dans le code du travail.

9/ Un salarié n’atteint pas ses objectifs, l’employeur peut le licencier pour insuffisance de résultats : pas si simple !

L’insuffisance de résultats n’est pas en tant que telle un motif de licenciement. En revanche, elle peut être révélatrice d’une insuffisance professionnelle ou d’un comportement fautif du salarié qui sont quant à eux deux motifs de licenciement. Autrement dit, le licenciement est motivé par la faute du salarié ou par son insuffisance professionnelle. L’insuffisance de résultats n’en constitue que la conséquence (ou le symptôme).

10/ Je sais faire, je l’ai déjà fait !

Reproduire des modèles sans se poser de questions est la dernière des choses à faire en droit du travail. Malheureusement pour vous, chers entrepreneurs et DRH, le droit du travail recouvre deux éléments de complexité qu’il convient de conserver à l’esprit. La matière est en constante évolution et les solutions à un problème donné diffèrent en fonction des circonstances particulières qui l’entourent. Le droit du travail est contextuel.

Le modèle que vous avez dans votre ordinateur risque donc fort de ne pas être parfaitement adapté pour répondre à la nouvelle situation à laquelle vous faîtes face. Reproduire des modèles vous conduira nécessairement à commettre des erreurs.

Toute décision et tout acte en droit du travail dépend d’un ensemble de circonstances évolutives telles que la taille de votre entreprise (plus ou moins de 11, de 50, etc.), l’ancienneté du salarié concerné, le niveau de qualification du salarié (ouvrier, cadre, etc), son métier (commercial, développeur, designeur, chauffeur routier, etc.), le type d’activité de l’entreprise (bureaux, usines, chantiers, etc.), la situation personnelle et familiale du salarié (femme enceinte, salarié avec des problèmes de santé, salarié jeune ou âgé, salarié avec une situation familiale difficile, etc.), les circonstances particulières liées à la situation du moment (période de forte activité, grève, restructuration, élections professionnelles), etc. Sans oublier, bien entendu, l’évolution des lois, des règlements, des décrets, des arrêtés, des circulaires, des usages, des conventions collectives, de la jurisprudence, etc.