Contexte : la durée du travail négociée sous la durée du travail légale
Cette affaire (Cass. soc. 2 juin 2021, n° 20-12578) concernait une entreprise de transport aérien soumise à ce titre à des dispositions spécifiques en matière de durée du travail.
En effet, pour les personnels navigants, il est admis qu’à la durée légale du travail exprimée en heures de travail effectif correspond un temps de travail exprimé en heures de vol (art. L. 6525-3 c. transp.). Cette durée du travail est fixée à 75 h de vol en moyenne par mois réparties sur l’année ou 78 h de vol en moyenne par mois réparties sur l’année, selon l’option choisie par l’entreprise (art. D. 422-10 c. aviation.).
Les heures de vol sont considérées comme des heures supplémentaires à compter de la 76è heure. Toutefois, ce seuil est modulé en fonction du nombre d’étapes sur un mois selon la formule : 75 – (n étapes effectuées en fonction – 20 x 1/6), sans pour autant être inférieur à 67 h (art. D. 422-8 c. aviation.).
L’entreprise en question avait conclu un accord collectif dans lequel le temps mensuel de vol avait été abaissé à 55 h.
Des salariés, faisant partie du personnel navigant commercial, réclamaient le paiement d’heures supplémentaires pour les heures de vol comprises entre la 56è et la 68è heure de vol.
Apport de l’arrêt : pas de baisse corrélative du seuil de déclenchement des heures supplémentaires
Pour rappel, une convention ou un accord collectif peut abaisser la durée du travail dans l’entreprise en deçà de la durée légale.
La question qui se pose alors est de savoir si les heures de travail effectuées entre la durée conventionnelle et la durée légale doivent-elles être décomptées en tant qu’heures supplémentaires.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation est catégorique : « la fixation par voie conventionnelle de la durée du travail applicable dans l’entreprise à un niveau inférieur à la durée légale n’entraîne pas, en l’absence de dispositions spécifiques en ce sens, l’abaissement corrélatif du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ».
En l’espèce, l’accord d’entreprise ne contenait pas de dispositions plus favorables sur le déclenchement des heures supplémentaires. Par conséquent, les heures de vol entre la 56è h et la 68è h de vol ne pouvaient pas être décomptées comme des heures supplémentaires.
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation adopte une telle solution. Dans un arrêt de 2014, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’en présence d’un accord de modulation fixant une durée annuelle de travail à 1470 h, inférieure à la durée légale de 1607 h, seules les heures effectuées au-delà de 1607 h constituaient des heures supplémentaires, en l’absence de fixation par l’accord collectif d’un seuil de déclenchement inférieur (Cass. soc. 13 nov. 2014, n° 13-10721).
A noter :
- Seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail ouvrent droit aux exonérations prévues par la législation, à savoir une réduction de cotisations salariales (art. L. 241-17 c. séc. soc. ), une exonération d’impôt sur le revenu (CGI art. 81 quater) et, pour les employeurs de moins de 20 salariés, une déduction forfaitaire de cotisations patronales (art. L. 241-18 c. séc. soc.).
- En conséquence, dans les entreprises où la durée collective du travail est inférieure à la durée légale, les heures effectuées entre cette durée collective et la durée légale du travail n’ouvrent pas droit à ces exonérations, quand bien même elles seraient majorées, voire qualifiées d’heures supplémentaires, par un accord collectif.
En tout état de cause, le salarié qui sollicite un rappel d’heures supplémentaires doit présenter des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande. A ce sujet vous pouvez consulter notre article relatif à la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires.