accord d'entreprise minoritaireDans sa décision du 9 octobre 2019, la Cour de Cassation apporte une clarification sur l’interprétation de l’article L.2232-12 du code du travail concernant les contours de la validation d’un accord d’entreprise minoritaire.

Depuis la loi 2016-1088 du 8 août 2016, le code du travail dispose que la validité d’un d’accord d’entreprise suppose sa signature par, « d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. » Il s’agit de l’accord dénommé accord majoritaire.

Le code du travail prévoit une seconde possibilité à défaut de pouvoir recueillir le vote majoritaire des syndicats représentatifs. Si le projet d’accord d’entreprise n’est signé que par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections des titulaires du CSE, ce projet d’accord peut être soumis, pour validation, à un référendum dans l’entreprise.

En l’espèce, était en cause un accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail conclu entre un établissement hospitalier et le syndicat CGT (non majoritaire). La CGT a demandé l’organisation d’un référendum pour valider l’accord minoritaire. Néanmoins certains salariés (cadres, médecins, pharmaciens et dentistes) n’ont pas été sollicités pour le scrutin car ils ont été considérés comme étant déjà couverts par un autre accord. La CFDT a ainsi demandé l’annulation du protocole d’accord et des opérations de consultation estimant que tous les salariés auraient dû être consultés et que l’employeur a outre passé son devoir de neutralité.

La cour de cassation a statué sur deux problématiques :

  • D’une part, sur la définition des salariés devant être consultés dans le cadre de la validation d’un accord d’entreprise minoritaire par référendum.
  • D’autre part, sur l’incidence de l’intervention de l’employeur dans ce processus de consultation des salariés.

1/ Quels salariés doivent être consultés pour valider un accord d’entreprise minoritaire ? 

L’article L.2232-12 du code du travail dispose que  » participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L.2314-15 et L.2314-17 à L.2314-18-1« . La problématique portait sur le fait de déterminer si « les salariés couverts par l’accord » sont ceux directement intéressés par l’accord ou s’il s’agit de l’ensemble des salariés appartenant à l’établissement au sein duquel sera appliqué l’accord.

A cette question, la Cour de Cassation donne raison au syndicat CFDT et répond que l’adjectif « couvert » mentionné à l’art L.2232-12 se rapporte bien à l’ensemble des salariés électeurs de l’établissement y compris les salariés exclus du champs d’application de l’accord par le protocole d’accord préélectoral. Autrement dit, dès lors qu’il s’agit d’un accord minoritaire inter catégoriel tous les salariés doivent nécessairement être consultés, y compris si l’accord d’entreprise ne les intègre pas dans son champ d’application.

Par exemple, pour signer un accord d’entreprise minoritaire concernant la mise en place d’un forfait jours pour les cadres, tous les salariés de l’entreprise devront pouvoir voter dans le cadre de ce référendum y compris s’ils ne sont pas cadres.

2/ L’incidence de l’intervention de l’employeur dans ce processus de consultation des salariés

Le code du travail prévoit que les organisations syndicales ayant recueilli plus de 30% et qui souhaitent soumettre l’accord signé par elles à référendum doivent en informer l’employeur ainsi que les autres organisations syndicales représentatives dans un délai d’un mois à compter de la date de signature de l’accord (art. D.2232-6).

En l’espèce, la CGT avait omis d’informer les autres organisations syndicales de sa demande d’organisation d’une consultation des salariés. L’employeur s’y était substitué en informant la CFDT. La CGT lui a reproché un manquement à son obligation de neutralité.

La Cour de Cassation a rejeté l’argument de la CGT, en considérant que l’information des organisations syndicales représentatives de l’organisation d’un référendum a seulement pour effet de faire courir le délai de huit jours permettant aux organisations syndicales représentatives qui le souhaitent encore de signer l’accord d’entreprise minoritaire. La Cour de cassation a ajouté qu’en l’espèce il n’apparaissait pas que l’employeur avait exercer une quelconque pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale.

Autrement dit, la décision de l’employeur d’informer les organisations syndicales non signataires de l’accord d’entreprise minoritaire de l’organisation d’un référendum en vue de son approbation par les salariés ne remet pas en cause la régularité de la consultation des salariés.