autoentrepreneurUne nouvelle fois, c’est avec fermeté que la Cour de cassation rappelle qu’un autoentrepreneur doit être considéré comme un salarié si son organisation du travail révèle qu’il n’est pas réellement indépendant mais qu’il se place au contraire sous la direction et le contrôle d’une entreprise « donneur d’ordre » (Cass. soc. 22-3-2018 n° 16-28.641).

Il s’agissait dans les faits du cas d’un autoentrepreneur qui avait décidé de poursuivre, en « indépendant », son activité pour l’entreprise dans laquelle il était anciennement salarié. En réalité, ses conditions de travail étaient pour le moins ambiguës puisqu’il travaillait dans les mêmes locaux, exécutait son travail sur son ancienne chaîne d’abattage et utilisait même la pointeuse de l’entreprise. C’est à ce titre qu’il a sollicité la requalification du contrat de sous-traitance en contrat de travail.

Les juges étaient donc saisis d’une question épineuse : existait-il, entre l’autoentrepreneur et l’entreprise à laquelle il fournissait directement des prestations, une relation de travail salariale suffisamment établie ?

La Cour de cassation qui fait preuve d’une extrême vigilance à ce titre a tranché : dans de telles circonstances, l’autoentrepreneur qui travaillait sous la direction et le contrôle de l’entreprise était en réalité un salarié.

Autoentrepreneur et lien de subordination : la frontière à ne pas franchir

Par principe, l’autoentrepreneur qui jouit du statut particulier de « travailleur indépendant » n’est pas salarié des entreprises pour lesquelles il fournit des prestations (article L. 8221-6 I du Code du travail).

Pour autant, cette règle n’est pas absolue et cet arrêt en est d’ailleurs une parfaite illustration.

Ce sont les conditions de travail réelles qui importent.

Dès lors qu’ils identifient, qu’en pratique, l’autoentrepreneur est placé dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard d’une l’entreprise « donneur d’ordre » pour laquelle il fournit des prestations (article L. 8221-6 II du Code du travail), les juges n’hésitent pas à requalifier le contrat commercial en contrat de travail.

Autrement dit, si l’autoentrepreneur travaille dans les mêmes conditions de travail qu’un salarié (respect des horaires, consignes précises, etc.), il sera reconnu comme tel. Peu importe le contenu du contrat qui aura été signé. Seules les circonstances réelles dans lesquelles l’autoentrepreneur exerce son activité revêtent une importance.

Alors comment éviter de donner l’apparence d’une relation de travail à la relation commerciale que vous pourriez entretenir avec votre prestataire autoentrepreneur ?

Garantir l’indépendance de l’autoentrepreneur est primordial

En pratique, travailler avec un autoentrepreneur vous impose une grande vigilance quant aux modalités d’organisation de son activité. Il est primordial que l’autoentrepreneur conserve une totale indépendance dans l’exercice de ses missions et ne soit pas, en réalité, placé dans un état de subordination à votre égard.

Quelques éléments pratiques sur lesquels vous devrez notamment porter votre attention :

  • L’autoentrepreneur doit être en mesure d’établir en toute liberté la manière dont il souhaite exécuter le travail. En pratique, il ne doit pas recevoir d’ordres précis sur la manière dont il doit réaliser ses prestations. Il ne doit pas non plus être tenu de respecter un planning de travail.
  • L’autoentrepreneur doit conserver la possibilité de développer une clientèle extérieure.
  • Les relations de travail entre l’autoentrepreneur et l’entreprise doivent être cantonnées à la seule exécution des prestations. Cela implique de limiter les interactions entre l’autoentrepreneur et vos salariés aux seuls besoins de l’exécution de la prestation et d’éviter surtout que soit initiée une relation et un contrôle hiérarchique à son égard.

Vous devez toujours vous placer comme le client d’un autoentrepreneur. Toute nouvelle prestation, qui n’était initialement pas prévue dans le contrat, devra au préalable être proposée à l’autoentrepreneur, qui se chargera d’établir une proposition fixant notamment ses conditions financières.

Les risques d’une requalification

Si votre prestataire autoentrepreneur n’est pas suffisamment indépendant dans la gestion de son activité et des modalités d’organisation de son travail, le risque encouru est celui d’une requalification de la relation commerciale en contrat de travail. Les conséquences qui en résultent peuvent être lourdes.

Le risque prud’homal :

L’autoentrepreneur reconnu salarié par un Conseil de prud’hommes pourrait notamment solliciter :

  • des rappels de salaire en application de la convention collective qui n’a été appliquée mais aurait du l’être ;
  • des congés payés ;
  • des heures supplémentaires ;
  • des dommages et intérêts en cas de rupture du contrat ;
  • une indemnité de 6 mois de salaire pour travail dissimulé ;
  • etc.

Le risque pénal :

  • L’entreprise encourt notamment une peine d’amende ou la fermeture ;
  • Le dirigeant à titre personnel encourt notamment une peine d’emprisonnement ou une interdiction de gérer.

Le risque URSSAF :

L’URSSAF peut opérer un redressement pour travail dissimulé et notamment solliciter le paiement par l’entreprise de l’intégralité des cotisations sociales qui auraient dû être versées si l’autoentrepreneur avait été un salarié, auxquelles s’ajoutent bien entendu les pénalités liées au redressement.