Le chef d’entreprise se rend coupable d’une infraction s’il ne dénonce pas son salarié auteur d’une infraction routière.
En effet, le code la route impose depuis le 1er janvier 2017 aux représentants légaux de sociétés de dénoncer les conducteurs coupables d’infractions routières au volant d’un véhicule de la société (article L. 121-6 du code de la route). Autrement dit, la loi du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du 21ème siècle recourt à la bonne vieille méthode de dénonciation pour tenter de faire appliquer le code la route.
Le législateur cherche ainsi à mettre un terme à la tolérance existante dans de nombreuses sociétés consistant à ne pas dénoncer les conducteurs coupables d’infractions routières au volant de véhicules de société. Il était de surcroît admis dans de nombreuses entreprises que l’amende était indirectement prise en charge par la société.
Les infractions visées par la dénonciation
Selon l’article R. 130-11 du Code de la route , il s’agit des infractions afférentes :
- au port d’une ceinture de sécurité ;
- à l’usage du téléphone tenu en main ;
- à l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules ;
- à la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence ;
- au respect des distances de sécurité ;
- au franchissement et au chevauchement des lignes continues ;
- aux signalisations imposant l’arrêt des véhicules ;
- aux vitesses maximales autorisées ;
- au dépassement ;
- à l’engagement dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt à un feu de signalisation, réservé aux cycles et cyclomoteurs ;
- au port du casque pour les usagers de deux roues, trois-roues, quadricycles.
Un risque pénal pour l’employeur
Le représentant légal de la société qui ne dénonce pas le conducteur responsable de l’infraction sera poursuivi pour non-dénonciation. Il sera alors exposé à une amende pouvant aller jusqu’à 750 €, à laquelle s’ajoutera le paiement de l’amende liée à l’infraction routière elle-même. Le représentant sera personnellement jugé et condamné au règlement de ces sommes sur ses deniers personnels. La société ne pourra pas lui rembourser les montants versés, au risque de caractériser un abus de bien social.
Cependant, l’infraction étant caractérisée par la non dénonciation de l’auteur de l’infraction routière, et en vertu du principe de la responsabilité personnelle en matière pénale, aucun retrait de points ne devrait lui être infligé à défaut de dénonciation. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un risque pénal supplémentaire auquel les chefs d’entreprises sont exposés.
Dans un cas d’espèce récent, l’employeur avait refusé de satisfaire à la demande de transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur d’un véhicule de l’entreprise qui avait été « flashé » en excès de vitesse. Un avis de contravention avait alors été adressé directement à la société.
Dans cet arrêt rendu le 11 décembre 2018 la chambre criminelle de la Cour de cassation précise, pour la première fois, que la responsabilité pénale de la personne morale (la société) peut également être engagée, en sus de celle du représentant légal (personne physique) :
« [l’article L.121-6 du code de la route] sur le fondement duquel le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait, dans le délai qu’il prévoit, à l’obligation de communiquer l’identité et l’adresse de la personne physique qui, lors de la commission d’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 du code de la route, conduisait le véhicule détenu par cette personne morale, n’exclut pas qu’en application du second, la responsabilité pénale de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant » (Cass. crim., 11 décembre 2018, n°18-82628).
Autrement dit, en cas d’infraction routière et de non dénonciation, deux sanctions pénales seront infligées :
- L’une au représentant légal de la société (le chef d’entreprise) pour non dénonciation du conducteur (art. L. 121-6 code de la route) ;
- L’autre à la société au titre de l’infraction au code de la route qui a été commise par le conducteur (art. L. 130-9 code de la route).
Les précautions à prendre en considération
La première conséquence évidente pour les entreprises est qu’elles doivent définir clairement les règles d’utilisation des véhicules de manière à être en mesure de déterminer avec certitude qui en est conducteur : registre des utilisateurs, badgeage, de contrôle par carte magnétique, etc.
Bien entendu, n’oubliez pas de respecter les règles de droit du travail (règlement intérieur, consultation du CSE, informations des salariés, etc.) ainsi que les nouvelles règles issues du RGPD.
Enfin, rappelons que le fait pour un salarié de commettre une infraction au code de la route pendant son temps de travail est l’expose à une sanction disciplinaire.
Pour davantage de développements sur ce point ainsi que sur le cas du retrait de permis en dehors du temps de travail : Réagir au retrait de permis d’un salarié.
Formalisme de dénonciation d’une infraction routière disponible
La dénonciation peut être effectuée sur le site web : www.antai.gouv.fr.