La question de la prise en charge des frais exposés par les salariés pour les trajets domicile – lieu de travail revient régulièrement, les entreprises ne trouvant pas les dispositifs correspondant à leurs objectifs.
Cet article a vocation à faire le point sur les différents dispositifs existant actuellement en la matière.
1/ Prise en charge obligatoire pour l’utilisation des transports publics
1.1 Principe de prise en charge obligatoire
Tout employeur est tenu de prendre en charge 50% du coût des titres d’abonnement souscrits par les salariés (art.19° ter a de l’article 81 du code général des impôts et art.L.136-1-1 du code de la sécurité sociale) pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de voyageurs ainsi que les titres d’abonnement souscrits auprès d’un service public de location de vélos (art. L.3261-2 c. trav.).
L’employeur peut prendre en charge une fraction supérieure à 50 % du coût des titres d’abonnement voire la totalité (prise en charge facultative). Dans ce cas, la participation facultative au-delà de 50% est exonérée dans la limite des frais réellement engagés.
Bénéficient de la prise en charge obligatoire tous les salariés, quel que soit leur lieu de résidence et leur lieu d’emploi, qui empruntent pour les déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail les transports publics de voyageurs ou utilisent les services publics de location de vélos, au moyen de titres d’abonnement.
1.2 Titres et abonnements pris en charge
L’employeur prend en charge les titres souscrits par les salariés, parmi les catégories suivantes (art. L.3261-2 et R.3261-2 c.trav.) :
- Les abonnements multimodaux à nombre de voyages illimité ainsi que les abonnements annuels, mensuels, hebdomadaires ou à renouvellement tacite à nombre de voyages illimité.
- Les cartes et abonnements mensuels, hebdomadaires ou à renouvellement tacite à nombre de voyages limité.
- Les abonnements à un service public de location de vélos.
La prise en charge obligatoire par l’employeur est effectuée sur la base des tarifs de 2ème classe, et sur la base de l’itinéraire le plus court.
Lorsque plusieurs abonnements à des services publics de transport en commun ou de location de vélos sont nécessaires à la réalisation du trajet entre le domicile et le lieu de travail, l’employeur prend en charge 50 % du coût de ces différents titres d’abonnement.
1.3 Modalités de prise en charge
Le montant de la prise en charge des frais de transports collectifs ou d’abonnement à un service public de location de vélos doit figurer sur le bulletin de paie.
L’employeur procède au remboursement des titres achetés par les salariés dans les meilleurs délais et, au plus tard, à la fin du mois suivant celui pour lequel ils ont été validés. Les titres dont la période de validité est annuelle font l’objet d’une prise en charge répartie mensuellement pendant la période d’utilisation.
1.4 Régime social
La prise en charge obligatoire est exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales. Elle est subordonnée à la remise, ou à défaut à la présentation par le salarié des titres et de la copie de l’abonnement souscrit.
La prise en charge facultative au-delà des 50% est exonérée dans la limite des frais réellement engagés.
2/ Utilisation du véhicule personnel : les indemnités kilométriques
2.1 Principe et mise en œuvre
Lorsqu’un salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, les indemnités kilométriques sont exclues de l’assiette des cotisations sociales lorsqu’elles correspondent aux frais engagés par le salarié utilisant son propre véhicule dans ses déplacements professionnels et que :m
- les frais ont un caractère professionnel,
- l’utilisation des indemnités est faite conformément à leur objet.
Les indemnités forfaitaires kilométriques sont réputées utilisées conformément à leur objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale. L’employeur doit cependant justifier de l’existence de déplacements professionnels et du nombre exact de kilomètres parcourus. En l’absence de pièce justificative établissant la nature, l’importance et la réalité des frais engagés par les salariés, les indemnités kilométriques seront intégrées dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
Au-delà des montants prévus par les barèmes, il appartient également à l’employeur de justifier l’utilisation effective des indemnités conformément à leur objet. A défaut, la fraction excédentaire est assujettie à l’ensemble des cotisations et contributions sociales.
2.2 Barèmes pour l’année 2022
Un arrêté du 1er février 2022 a diffusé les valeurs des barèmes kilométriques applicables à l’imposition des revenus 2022.
En cas d’utilisation d’un véhicule électrique, le montant de l’indemnité kilométrique est majoré de 20 %.
3/ Utilisation du véhicule personnel : prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène
3.1 Salariés concernés
Sont concernés les salariés (Articles L 3261-1 et L. 3261-3 c. trav.) :
- dont la résidence habituelle ou le lieu de travail n’est pas inclus dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire ;
- dont la résidence habituelle ou le lieu de travail sont situés dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier ou un service privé mis en place par l’employeur ;
- pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est indispensable en raison d’horaires de travail particuliers (travail de nuit, horaires décalés, travail continu, équipe de suppléance…).
3.2 Salariés exclus
Sont exclus les salariés :
- qui bénéficient d’un véhicule mis à disposition permanente par l’employeur avec prise en charge des dépenses de carburant ou d’alimentation électrique ou en hydrogène du véhicule ;
- qui sont logés dans des conditions telles qu’ils ne supportent aucun frais de transport pour se rendre à leur travail ;
- ou dont le transport est assuré gratuitement par l’employeur.
3.3 Frais pris en charge
Les seuls frais de transport personnel susceptibles d’être pris en charge sont les frais :
- de carburant,
- d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène.
3.4 Modalités de prise en charge
Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge de ces frais sont déterminés par accord d’entreprise ou par accord interentreprises, et à défaut par accord de branche. A défaut d’accord, la prise en charge de ces frais est mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du comité social et économique, s’il existe.
Lorsque l’employeur décide de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d’alimentation électrique d’un véhicule engagés par ses salariés, il doit en faire bénéficier, selon les mêmes modalités et en fonction de la distance entre le domicile et le lieu de travail, l’ensemble des salariés entrant dans le champ d’application (art. R.3261-11 c.trav.).
Toutefois, rien n’interdit à l’employeur de moduler cette prise en charge en fonction de la distance séparant le domicile du lieu de travail. En revanche, il ne peut pas totalement exclure les salariés pour lesquels il estimerait la distance trop importante.
3.5 Régime social
La prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène est exonérée de cotisations, dans les limites suivantes :
- 200 euros par salarié et par an pour les frais de carburant
- 500 euros par salarié et par an pour les frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène
L’employeur doit être en mesure de :
- disposer des éléments nécessaires qu’il recueille à cette fin auprès des salariés (résidence en dehors d’un périmètre de transports ou utilisation indispensable du véhicule personnel) ;
- présenter la photocopie du certificat d’immatriculation (carte grise) du véhicule du salarié.
3.6 Règles de cumul
Le bénéfice de cette prise en charge facultative des frais de carburant ou des frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène ne peut être cumulé avec celui de la prise en charge obligatoire du coût de l’abonnement aux transports publics.
L’exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale de la prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène peut se cumuler avec l’exclusion d’assiette de la prise en charge des indemnités kilométriques.
Cependant, le montant total exclu de l’assiette des cotisations et contributions issu à la fois du versement de la prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène et de la prise en charge par l’employeur des indemnités kilométriques, ne peut excéder le montant total des frais réellement engagés par le salarié pour effectuer ses trajets entre sa résidence habituelle et son lieu de travail.
Exemple : un salarié qui engage 350 euros de frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène par an, l’employeur peut opter soit pour un versement de 350 euros d’indemnités kilométriques, soit pour un double versement d’une prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène de 200 euros maximum et d’un complément d’indemnités kilométriques dans la limite de 350 euros maximum.
4/ Forfait mobilité durable
Il est possible pour l’employeur de prendre en charge les frais de déplacements domicile-travail de leurs salariés effectués en vélo, vélo électrique, en covoiturage en tant que conducteur ou passager, en transports publics ou à l’aide d’autres services de mobilité partagée, par le biais du « forfait mobilités durables » (art. L.3261-3-1 c.trav.).
4.1 Modes de transport éligibles
Les modes de transport éligibles au « forfait mobilités durables » sont :
- Le vélo y compris le vélo à pédalage assisté, propriété du salarié ou en location ;
- Le covoiturage (en tant que passager ou conducteur) ;
- Le transport public de personne (sauf si celui-ci est pris en charge dans le cadre de la prise en charge obligatoire des frais d’abonnement aux transports publics) ;
- Le cyclomoteur (véhicule de catégorie L1e ou L2e), la motocyclette (véhicule de catégorie L3e ou L4e) et l’engin de déplacement personnel (engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé) en location ou en libre-service ;
- Le service d’auto-partage avec des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou à hydrogène ;
- A partir du 1er janvier 2022, l’engin de déplacement personnel (engin de déplacement personnel motorisé ou non motorisé) dont le salarié est propriétaire.
4.2 Modalités de prise en charge
Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais sous forme d’un « forfait mobilités durables » sont déterminés par accord d’entreprise ou inter-entreprises ou à défaut par accord de branche.
En l’absence d’accord, l’employeur peut prévoir la prise en charge des frais exposés dans le cadre du « forfait mobilités durables » par décision unilatérale, après consultation du comité social et économique s’il existe (art. L.3261-4 c.trav.).
Lorsque l’employeur décide de prendre en charge tout ou partie des frais sous forme d’un « forfait mobilités durables » il doit en faire bénéficier, selon les mêmes modalités, l’ensemble des salariés entrant dans le champ d’application.
4.3 Régime social
La prise en charge des frais exposés par le salarié dans le cadre du forfait mobilités durables est exonérée de contributions et cotisations dans la limite de 500 euros par an et par salarié (article 81 du code général des impôts et L.136-1-1 du code de la sécurité sociale).
4.4 Règles de cumul
Cumul avec la prise en charge des abonnements de transports publics
La prise en charge par l’employeur des frais engagés par le salarié dans le cadre du forfait mobilités durables peut être cumulée avec la prise en charge du coût des titres d’abonnement de transports publics de voyageurs ou de service public de location de vélo.
La prise en charge au titre du forfait mobilités durables est toutefois exonérée dans la limite de 600 euros par an, déduction faite de la prise en charge par l’employeur de l’abonnement au titre des transports en commun (article 81, 19° ter, b du code général des impôts).
Exemples : Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 150 € et des frais d’abonnements aux transports en commun pour 220 € : le forfait mobilités durables pourra être exonéré de cotisations en totalité (car 600 – 220 = 380) ;
Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 250 € et des frais d’abonnements aux transports en commun pour 370 € : le forfait mobilités durables ne pourra être exonéré de cotisations qu’à hauteur de 230 € (car 600 – 370 = 230) ;
Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 150 € et des frais d’abonnements aux transports en commun pour 630 € : le forfait mobilités durables ne pourra pas être exonéré de cotisations (car 630 > 600) ; les frais d’abonnement aux transports en commun restant exonérés intégralement de cotisations.
Cumul avec le remboursement des frais de transport
Le remboursement par l’employeur des frais de carburant ou d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène est également cumulable avec le forfait mobilités durables.
La prise en charge par l’employeur au titre du forfait mobilités durables sera toutefois exonérée dans la limite de 500 euros par an, déduction faite de la prise en charge des frais de carburant ou d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène, ainsi que du remboursement d’éventuels frais de stationnement sur la base du tarif le plus économique (abonnement hebdomadaire, mensuel ou annuel).
Exemples : Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 200 € et des frais de carburant pour 200 € : le forfait mobilités durables pourra être exonéré de cotisations en totalité, (car 500 – 200 = 300) ;
Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 350 € et des frais de carburant pour 200 € : le forfait mobilités durables ne pourra être exonéré de cotisations qu’à hauteur de 300 € (car 500 – 200 = 300) ;
Un salarié bénéficie de la prise en charge du forfait mobilités durables à hauteur de 350 €, des frais de carburant à hauteur de 240 € et des frais d’alimentation électrique pour 190 € : le forfait mobilités durables ne pourra être exonéré de cotisations qu’à hauteur de 110 € (car 500 – 200 – 190 = 110), les frais de carburant étant exonérés de cotisations dans la limite de 200 € et les frais d’alimentation électrique restant exonérés intégralement. L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur de ces différents frais sera intégré dans l’assiette sociale pour la part excédant 500 €, soit 280 € (350 + 240 + 190 – 500 = 280).
Cumul avec le versement d’indemnités kilométriques
Le cumul entre le forfait mobilités durables et le versement d’indemnités kilométriques n’est possible, que dans la limite des frais réellement engagés par le salarié pour effectuer ses trajets entre sa résidence habituelle et son lieu de travail.
4.5 Justificatifs
Pour bénéficier de l’exonération des cotisations et contributions sociales, l’employeur doit apporter la preuve de l’utilisation des sommes allouées conformément à leur objet.
Ainsi, la mise en œuvre du dispositif est conditionnée par la fourniture par le salarié selon une périodicité au moins annuelle d’une attestation sur l’honneur du salarié ou d’un justificatif de l’utilisation des modes de transport ouvrant droit à la prise en charge dans le cadre du forfait mobilités durables.
4.6 Mise en œuvre du « Titre Mobilité »
A compter du 1er janvier 2022, la prise en charge du « forfait mobilités durables » peut prendre la forme d’une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée, intitulée « titre-mobilité ».
Ce titre est émis par une société spécialisée qui les cède à l’employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d’une commission.
La durée de validité des titres-mobilité, qui est fixée par l’émetteur des titres, s’étend au moins jusqu’au dernier jour de l’année civile au cours de laquelle ils ont été émis.