Nouveautés en matière de protection des lanceurs d'alerte

La loi du 22 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur le 1er septembre 2022 et modifie les dispositions de la loi Sapin II du 9 décembre 2016.

1/ Elargissement du champ d’application de la protection 


1.1 Elargissement de la définition du lanceur d’alerte

Un lanceur d’alerte est désormais (Article 6-I de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016) :

    • Une personne physique qui signale ou divulgue,
    • Sans contrepartie financière directe et de bonne foi,
    • Des informations portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou la tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Cette nouvelle définition fait disparaître l’exigence selon laquelle l’alerte devait être réalisée « de manière désintéressée« . Le nouveau texte élargit également le domaine de l’alerte, dès lors qu’il supprime la condition de « gravité » requise auparavant.

Les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou au secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte défini au présent chapitre (Article 6-II de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016)

1.2 La notion de connaissance personnelle est supprimée

La loi Sapin II prévoyait que le lanceur d’alerte devait avoir eu personnellement connaissance des faits signalés.

Cette référence est désormais supprimée :

  • Si informations dans le cadre de ses activités professionnelles : pas de connaissance personnelle exigée. Cela pourrait permettre au salarié de bénéficier du statut protecteur du lanceur d’alerte en signalant des faits dont il n’a pas eu personnellement connaissance mais qui lui ont été rapportés.
  • Si informations en dehors de ses activités professionnelles : il doit en avoir eu personnellement connaissance

1.3 La liste des personnes susceptibles d’effectuer une alerte est élargie

La loi prévoit désormais que peuvent adresser un signalement :

« 1° Les membres du personnel, les personnes dont la relation de travail s’est terminées lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et les personnes ayant candidaté à un emploi lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;
2° Les actionnaires, associés et titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ; 
3° Les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;
4° Les collaborateurs extérieurs et occasionnels ; 
5° Les cocontractants de l’entité concernée, leurs sous‑traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous‑traitants ainsi qu’aux membres de leur personnel »

2/ La simplification des canaux de signalement 


2.1 La loi Sapin II prévoyait une hiérarchisation des canaux de signalement

La loi Sapin II prévoyait des canaux de signalement hiérarchisés dont disposait le lanceur d’alerte pour signaler les faits s’il voulait bénéficier de la protection offerte par la loi :

  1. d’abord, un signalement interne obligatoire : au supérieur hiérarchique, directe ou indirecte, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci ;
  2. ensuite, en l’absence de traitement dans un délai raisonnable, un signalement externe : à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ;
  3. enfin, en dernier ressort, à défaut de traitement dans un délai de trois mois, un signalement public.

2.2 Cette hiérarchisation est désormais supprimée

La loi met fin à cette hiérarchisation des canaux de signalement et prévoit que le lanceur d’alerte aura désormais le choix entre le signalement interne et externe.

Concernant le signalement interne :

  • dans les entreprises de moins de 50 salariés, lorsqu’il n’existe pas de procédure de recueil et de traitement des alertes, le signalement peut être effectué auprès du supérieur hiérarchique, directe ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui ci ;
  • dans les entreprises d’au moins 50 salariés, doit être établi après consultation des représentants du personnel une procédure interne de recueil et de traitement des alertes.

Concernant le signalement externe, il peut être adressé :

  • à l’autorité compétente, parmi celles désignés par le décret du 4 octobre 2022  ;
  • au Défenseur des droits ;
  • à l’autorité judiciaire ;
  • à l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union Européenne compétent.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour la divulgation publique :

« Après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, sans qu’aucune mesure appropriée ait été prise en réponse à ce signalement à l’expiration du délai du retour d’informations prévu par décret ;
2° En cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ;
Ou lorsque la saisine de l’une des autorités compétentes ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou qu’elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts, en collusion avec l’auteur des faits ou impliquée dans ces faits »

La loi prévoit que les protections prévues par la loi bénéficient à tout lanceur d’alerte qui divulgue publiquement des informations obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible.

3/ Le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte et de leur entourage 


3.1 Les mesures de protection

Les droits prévus par la loi Sapin ne peuvent faire l’objet d’aucune renonciation ni limitation de droit ou de fait d’aucune forme. Toute stipulation ou tout acte pris en méconnaissance du premier alinéa est nul de plein droit.

La loi liste désormais les mesures de représailles interdites (Article 10-1.-II de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016).

Les dispositions relatives à la protection contre les discriminations sont modifiées pour intégrer les mesures de protection des lanceurs d’alerte (article L.1121-2 du code du travail ; article 225-1 du code pénal).

Les personne victime harcèlement moral ou sexuel ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements bénéficient des protections suivantes :

Dans le cadre d’un litige :

  • un aménagement de la charge de la preuve ;
  • la possibilité pour le demandeur de solliciter à ce qu’il lui soit alloué une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure ou, lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides
  • un abondement au Compte Personnel de Formation

3.2 La protection de l’entourage des lanceurs d’alerte

La loi prévoit désormais que la protection des lanceurs d’alerte s’applique également aux :

  • Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif (notamment les associations et organisations syndicales) qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation ;
  • Personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte qui risquent de faire l’objet de l’une des mesures mentionnées au II de l’article 10-1 dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ;
  • Entités juridiques contrôlées, au sens de l’article L.233-3 du code de commerce, par un lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel

4/ Responsabilité civile et responsabilité pénale des lanceurs d’alertes


4.1 Responsabilité civile

La loi prévoit que les lanceurs d’alertes ayant signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues par la loi n’encourent aucune responsabilité civile dès lors qu’elles pouvaient considérer, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

4.2 Responsabilité pénale

La loi est venue renforcer l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte :

« N’est pas non plus pénalement responsable le lanceur d’alerte qui soustrait, détourne ou recèle les documents ou tout autre support contenant les informations dont il a eu connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue dans les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article. » 

5/ Une procédure de recueil interne des alertes


5.1 Entités concernées par la mise en place de cette procédure 

Doivent établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation des instances de dialogue social :

« 1° Les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;
Les administrations de l’État ;
Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés » 

Par ailleurs, la loi prévoit que :

  • Celles « employant moins de 250 salariés peuvent mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements » (Art. 8-B)
  • « La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l’ensemble des sociétés d’un groupe, selon des modalités fixées par décret» (Art. 8-C)

5.2 Garanties de procédure 

Un décret du 4 octobre 2022 fixe les modalités de mise en place de cette procédure interne, notamment en matière d’indépendance du canal interne et des délais du recours d’informations fait à l’auteur du signalement.

6/ La protection des lanceurs d’alerte dans le règlement intérieur 


La loi prévoit désormais que le règlement intérieur doit rappeler :

« 3° L’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte prévu au chapitre II de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

Il convient de prévoir la mise à jour du règlement intérieur afin de se mettre en conformité.