Le règlement intérieur est un acte unilatéral réglementaire de droit privé (n° 87-42.396), émanant de l’employeur, qui s’applique à tous les salariés de l’entreprise, qu’ils aient été embauchés avant ou après son entrée en vigueur.
1/ Les entreprises soumises à l’obligation d’élaboration d’un règlement intérieur
1. 1 La nature juridique de l’entreprise
L’article L. 1311-1 du Code du travail précise que les entreprises concernées par l’obligation sont les entreprises de droit privé et les établissements publics à caractère industriel et commercial.
1. 2 La taille de l’entreprise
Selon l’article L. 1311-2 du Code du travail, sont obligés de mettre en place un règlement intérieur :
- Les entreprises ou établissements dont l’effectif est d’au moins 50 salariés depuis le 1er janvier 2020.
- Les entreprises ou établissements dont l’effectif était d’au moins 20 salariés avant le 1er janvier 2020.
L’effectif de l’entreprise ou de l’établissement doit être atteint pendant douze mois consécutifs pour que l’employeur soit tenu d’élaborer un règlement intérieur (C. trav. art. R. 1321-5).
Enfin, les entreprises ou établissements qui ne sont pas tenus à l’obligation légale peuvent toujours mettre en place un règlement intérieur.
2/ Le contenu du règlement intérieur
Le Code du travail régit le contenu tout en laissant à l’employeur une liberté dans le choix des clauses qu’il y insère.
2. 1 Le contenu obligatoire du règlement intérieur
L’article L. 1321-1 du Code du travail encadre le contenu du règlement intérieur qui ne peut porter que sur :
- Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement. Par exemple, le règlement intérieur peut contenir des clauses imposant à certains salariés de porter un casque de protection pendant leur temps de travail.
- La participation des salariés au rétablissement des conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés si elles ont été compromises. Par exemple, le règlement intérieur peut contenir une clause sur le droit de retrait reconnu aux salariés.
- Les règles générales et permanentes relatives à la discipline. A titre d’exemple, le règlement intérieur doit prévoir toutes les sanctions auxquelles les salariés sont exposés. Il peut aussi rappeler l’obligation de loyauté du salarié.
L’article L. 1321-2 du Code du travail ajoute que le règlement intérieur doit contenir des dispositions relatives :
- Aux droits à la défense des salariés nécessaires en cas d’usage par l’employeur de son pouvoir disciplinaire. Ainsi, le règlement intérieur doit rappeler qu’aucune sanction ne peut être prise à l’encontre d’un salarié s’il n’a pas été convoqué à un entretien préalable (C. trav. art. L. 1232-2).
- Au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ainsi qu’aux agissements sexistes. Par exemple, le règlement intérieur peut rappeler la définition du harcèlement moral.
- A l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte prévu au chapitre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
2. 2 Le contenu interdit du règlement intérieur
Selon le législateur, le contenu du règlement intérieur :
- Ne peut pas être contraire aux lois, règlements et accords et conventions collectifs auxquels l’entreprise ou l’établissement doit se conformer (C. trav. art. L. 1321-3). Par exemple, le règlement intérieur ne peut pas modifier les minimas conventionnels.
- Ne doit pas porter une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles qui ne serait pas justifiée par la tâche à accomplir ou proportionnée au but recherché. A titre d’exemple, une clause du règlement intérieur qui porte atteinte au droit au mariage est illicite (n° 80-40.929). Une clause limitant le droit de grève des salariés est également interdite (n° 08-43.603).
- Ne doit contenir aucune disposition discriminatoire. Tel serait le cas d’une disposition qui interdirait aux femmes de poursuivre leur carrière après 50 ans (n° 88-41.422).
- Est limité aux thématiques de l’article L. 1321-1 du Code du travail. Les clauses relatives au salaire, par exemple, ne peuvent pas y figurer.
3/ Exemples de clauses sensibles du règlement intérieur
3. 1 La clause relative au dépistage de la drogue
Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 5 décembre 2016, a pour la première fois admis l’intégration dans le règlement intérieur d’une clause mettant en place des dépistages de drogue par test salivaire.
Le Conseil a fixé six conditions à la mise en œuvre de ce test salivaire :
- Les salariés affectés à des postes dits « sensibles » peuvent être visés par ces tests. Il peut s’agir de salariés conducteurs d’engins par exemple.
- Les tests doivent être prévus par le règlement intérieur.
- L’employeur est tenu au secret professionnel en ce qui concerne les résultats de ces tests.
- Les salariés doivent pouvoir bénéficier d’une contre-expertise médicale s’ils le demandent.
- Les contrôles doivent être aléatoires.
- Aucune autre méthode ne doit pouvoir établir l’inaptitude à effectuer une tâche du fait de la consommation de drogue.
Ces conditions apparaissent logiques dès lors que le dépistage de drogue peut porter atteinte à la vie privée. En identifiant clairement les conditions de recours à ces tests, le Conseil d’Etat crée un équilibre entre l’atteinte à la vie privée et la sécurité, l’hygiène et la santé sur les lieux de travail.
Un parallèle peut également être fait avec les clauses interdisant la consommation d’alcool sur le lieu de travail.
3. 2 La clause de neutralité
La clause de neutralité est directement évoquée par l’article L.1321-2-1 du Code du travail. Il s’agit d’une clause du règlement intérieur visant à interdire aux salariés toute manifestation de convictions religieuses, philosophiques ou politiques.
Cette clause pourrait entrer en conflit avec d’autres droits fondamentaux tels que la laïcité ou la liberté d’expression. En conséquence, ces clauses ont nourri un contentieux important tant au niveau national qu’européen.
Dans la célèbre affaire Baby Loup (n° 13-28.369), la Cour de cassation a admis la licéité d’une clause de neutralité à condition que celle-ci soit :
- Générale et indifférenciée ;
- Justifiée par l’exercice d’autres droits fondamentaux et libertés ainsi que par la nature des tâches à accomplir ;
- Proportionnée au but recherché.
En dehors du règlement intérieur, l’interdiction de manifester ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ne peut reposer que sur une exigence professionnelle essentielle et déterminante selon de la Cour de cassation (n° 13-19.855), qui se conforme à l’arrêt du 14 mars 2017 rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
4/ Le formalisme d’adoption du règlement intérieur
4. 1 Les formalités à respecter
Le règlement intérieur est un acte unilatéral. Cela signifie qu’il est élaboré par l’employeur, qui n’a pas à en négocier le contenu. En revanche, il ne sera valide et opposable aux salariés que si le formalisme imposé par le Code du travail est respecté.
Les formalités à suivre sont les suivantes :
- Le règlement doit être rédigé en langue française (C. trav. art. L. 1321-6).
- Il sera ensuite soumis à l’avis consultatif du Comité social et économique (C. trav. art. L. 1321-4, al. 1).
- Attention, l’inobservation de cette règle rend le règlement intérieur inopposable au salarié, lequel est donc admis, en cas de sanction disciplinaire prononcée sur ce fondement, à réclamer la nullité de cette dernière dans le cadre d’un litige individuel (Cass. soc. 9 mai 2012, n°11-13.687). Par ailleurs, un syndicat est recevable à agir au nom de l’intérêt collectif de la profession pour demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur introduit en l’absence d’accomplissement de cette formalité substantielle (Cass. soc. 21 septembre 2022, n°21-10.718). En revanche, un syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur de cette formalité substantielle dès lors que la consultation du CSE n’est pas une condition de validité du règlement intérieur.
- Lorsque le règlement intérieur est modifié sur injonction de l’inspecteur du travail, l’employeur n’est pas tenu de soumettre le texte ainsi amendé à l’avis des représentants du personnel et la date d’entrée en vigueur ne s’en trouve pas reportée (Cass. soc. 26 juin 2019, n° 18-11.230 ; Cass. soc. 23 juin 2021, n° 19-15.737).
- Le règlement et l’avis consultatif du CSE doivent être communiqués à l’inspecteur du travail. Ce dernier pourra ordonner le retrait ou la modification de certaines dispositions contraires à la loi (C. trav. art. L. 1321-4, al. 3).
- Il est déposé au greffe du Conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise et est porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail (C. trav. art. R. 1321-1 et R. 1321-2). Un affichage sur les portes des locaux est tout à fait possible.
Sa date d’entrée en vigueur est fixée par le règlement intérieur lui-même et ne peut être inférieure à un mois après l’accomplissement des formalités de dépôt et d’affichage (C. trav. art. L. 1321-4).
4. 2 Les sanctions en cas de non-respect des formalités
Si l’employeur ne respecte pas les prescriptions légales, il s’expose à :
- Une amende prévue pour les contraventions de quatrième classe ;
- La nullité du règlement intérieur ;
- L’inopposabilité aux salariés : tout licenciement fondé sur le non-respect de ce règlement serait injustifié ;
- Une intervention de l’inspection du travail.